L'Ordre en questions (lire la suite)

  • L’Ordre se doit-il d’être un « flic » ?


     Oui. Evidemment.

 

Et nous irons même plus loin en déclarant que l’Ordre se doit d’être disciplinaire.

 

Comment, autrement, imaginer que l’Ordre puisse jouer pleinement son rôle de gardien du « temple éthique » ? Ce serait comme filer un stylo-baveur, un éthylotest-péteur et un carnet à souches-molles, aux gendarmes de nos autoroutes…

 

Hélas, et tout le gap est là, pour prôner l’éthique il faut en être perclus. Est-ce bien le cas ? Etre ex-membre honoraire d’un syndicat représentatif implique-t-il que l’on soit au-dessus de tout soupçon d’immoralité ou que l’on ait compétence en matière de Code Civil et Pénal ? La Justice est prononcée par des Juges, des hommes (du moins l’espère-t-on) formés et aguerris à cet exercice. Celle de l’Ordre, par d’ex-syndicalistes n’ayant ni de près ni de loin formation et la moindre approche thématique du Droit.

 

La Justice est indépendante (du moins l’espère-t-on). Elle n’est pas constituée d’ex-cadres des syndicats « d’usagers ». L’Ordre des kinésithérapeutes en est redondance.

 

Nous le voyons bien, structurellement il ne peut y avoir qu’une forme approximative de Justice Ordinale, et cela devrait être toute sa prudence. Pour autant, rien n’empêche de tenter de s’en approcher à minima.

 

La première mesure, urgente et de salubrité publique, est de prohiber la double-mandature syndico-Ordinale, totalement schizophrénique et source évidente de partialité. Comment pouvoir juger sereinement de manipulations financières d’un haut-syndicaliste lambda lorsque l’on est mandaté à l’Ordre et soit même membre du même sérail ? Et inversement. Cela s’appellerait être épris d’un sens élevé et noble de justice… ou se tirer une balle dans le pied.

 

La deuxième est de former les futurs cadres de l’Ordre au Droit, ne serait-ce qu’élémentaire. Cela peut être un projet de formation continue.

 

La troisième est de proposer un audit annuel et rendu public des comptes de fonctionnement de l’usine à gaz ordinale, ce qui serait la moindre des choses envers la profession puisque nous sommes son employeur.

 

  • L’Ordre est-il de constitution illégale ?


      Non.

 

La loi française est très précise à ce sujet : le paraphe d’un seul syndicat représentatif signataire entérine le décret. L’Ordre est donc bel et bien inscrit dans la loi. L’inscription à son Tableau et à sa cotisation (aussi usurière soit-elle) sont donc obligatoires et exposent tout « contrevenant » à un péril judiciaire. Décemment, nous ne pouvons pas en vouloir à l’Ordre d’exercer son droit légal et de tenter de réduire le dernier cercle des irréductibles au maquis. Pour ce qui est de la « manière de faire », nous resterons plus réservés…

 

Aujourd’hui, les seul points (non encore résolus) sur lequel l’Ordre peut être entaché d’illégitimité portent sur l’existence de ses trois niveaux de charpente, nationale, régionale et départementale. Une loi amendée indique qu’en deçà de 100 000 professionnels le niveau « départemental » est anticonstitutionnel.

 

Egalement sur le fait (mais il n’y a encore à ce sujet qu’une et insuffisante jurisprudence, celle du procès de Toulouse) que seuls sont habilité à posséder un mandat ordinal les personnes encore en activité professionnelle. Nous comprenons bien qu’à l’avenir, si ce jugement trouve échos, se sera l’hécatombe chez nos tempes grises du sérail ordronirique. Mais l’Ordre a un délire d’argent (le nôtre) pour faire appel de cette décision, et gageons qu’il noiera le bélouga…

 

  • L’Ordre est-il de constitution antidémocratique ? 


     Oui et non.

 

Non, comme nous venons de l’évoquer, au sens strict de la loi française.

 

Oui, en réalité de terrain et dans « l’esprit de la loi ». Dix pour cent de la profession seulement, les syndiqués, ont dûment été intéressés à son avènement et appelés aux urnes. Nous pressentons à l’évidence que cette assise autocratique pose problème à tout le monde et qu’elle restera à jamais le talon d’Achille de l’Ordre et le chaudron bouillonnant de toutes les imprécations, aussi hallucinées soient-elles. Aujourd’hui, et je pense que nous pouvons l’affirmer, si l’Ordre, cinq ans après son avènement, n’a toujours pas trouvé sa « vitesse de croisière » c’est bien à cause de ce « faux-départ ».

 

La politique de l’Ordtruche

 

 

 

  • L’Ordre se pense-t-il  « démocratique » ?


     Oui. Et là est bien tout le problème…

 

Le renouvellement régulier par un tiers de ses membres fait oublier à l’Ordre son erreur de jeunesse ; sa primo-assise autoritaire. Il pense ainsi s’ouvrir à la « société civile » et prêter le flanc à la démocratie. Il ne comprend donc pas, ou plus, les procès d’intention que, selon lui, on lui fait.

 

Reconnaissons à minima qu’il y a là gage « d’ouverture » et que si les vocations ordinales étaient moins clairsemées dans la confrérie, il y aurait acte de popularisation. En six ans, la « société civile » pourrait investir totalement l’Ordre. Hélas, ces vocations sont extrêmement rares, voir rarissimes, et la littérature (volontairement ?) opaque entretenue autours des élections ne facilite pas la tâche. Il y a de toute évidence une réticence ordinale à communiquer haut et fort sur le sujet des élections. Dès fois que ?…

 

Pour compléter, sauf en régions de grandes disettes, il apparaît difficile pour un « béotiens » n’appartenant pas à un réseau d’influence quelconque et s’auto parachutant soloman au scrutin, d’être élu. Le « sérail » place ses troupes…

 

En conclusion, l’Ordre actuel est d’assise légale et de fonctionnement démocratique. Hélas, la « forme » n’a pas encore tout à fait rejoint le « fond » et la réalité de terrain n’est pas celle affichée…

 

  • Pourquoi l’Ordre n’est-il pas « aimé » ?


Tout d’abord parce qu’il est foncièrement cocardier de rejeter « à priori » toute sorte d’autorité sur ses libertés. Le français, par essence, ne supporte aucune structure coercitive. C’est, la plus part du temps, un réflexe épidermique purement médullaire qui ne monte pas même jusqu’au cortex.

 

Cela est d’autant plus vraie pour des kinésithérapeutes souvent marginaux dans le système oligarchique, que ce soit dans le monde hospitalier ou esseulés dans le secret de leurs alcôves de ville.

 

Parce que, nous n’y reviendrons pas, l’Ordre c’est instauré despotiquement et à la force du poignet. Aucun esprit consultatif sur une opinion publique qui s’est sentie de facto brutalisée et caressée dans le « mauvais sens du poil ».

 

De plus, nous supposons qu’une cotisation ordinale plus tempérée aurait évité de peser si lourdement sur les haut-le-cœur et des salaires déjà au cordeau. Nous pensons particulièrement à nos collègues hospitaliers. 

 

Parce que l’on comprend bien intuitivement que l’Ordre est une affaire « entre-soi » et gens de bon-sérail, et que ce côté clanique irrite profondément. Ca fait opaque. Ca fait confiné. Ca manque d’aération. Ca sent le mulot dans le fromage…

 

Ensuite, que l’on trouve mille raisons et chantiers pour le combattre est presque dans « l’Ordre » des choses. Faire feu de tous bois n’est plus qu’une question d’enthousiasme.

 

Pour autant, nous sommes convaincus que l’Ordre, à sa maladroite manière, a fait de gros efforts de communication et de patience envers le « grand public », sans jamais pour autant toucher les cœurs et prendre le temps d’analyser les raisons de son infortune ni remettre une seconde en question sa consanguinité syndicale…
 

  •   Pourquoi la campagne « anti’Ordre » a-t-elle d’avantage mobilisé chez le salarié que chez  le libéral ?


Tout d’abord parce que le libéral, d’avantage que le salarié plus protégé par son « cocon » institutionnel, a d’avantage conscience de la précarité de son emploi. Nous comprenons bien, même de manière frustre, la fragilité et la paupérisation progressive du système de ville. En ce sens, pour nombre de cabinets, « l’idée » d’un Ordre pour une meilleure assise professionnelle n’apparaissait pas si absurde que cela. Tout du moins il n’y avait pas d’opposition de fond, même si cela n’était qu’un « pourquoi pas ? »…

 

Ensuite parce que 280 euros, non-déductibles, pour un salarié représente bien davantage de sacrifices que ceux, déductibles, pour un libéral. Nos collègues hospitaliers sont mal payés. Nous aussi, mais au moins avons-nous (avions-nous tout au moins avant les référentiels) la possibilité de travailler « toujours d’avantage » pour amortir le déficit…

 

Parce que (et il ne faut pas s’étonner que ce soit un syndicat de salariés qui ait mit le feu aux poudres) cela a été vécu par les « hospitaliers » comme une ingérence insupportable et sans précédant du monde libéral dans leurs petites-affaires. Le salarié, usager jusqu’alors des seules conventions collectives et de relations presque entre « quatre-yeux » avec sa direction, n’a pas supporté ces oukases venus « d’un autre monde »,  jusqu’alors abstrait, abscons, et presque antithétique.

 

Enfin, parce qu’aucun « cadre » hospitalier ne fait aujourd’hui partie du système oligarchique ordinal alors que « leur » monde doit en subir les diktats. Ils sont « sur la touche » et juste bon à cotiser. Ils ne peuvent donc par mal-amour et seule voie d’in expression - et c’est naturel - que s’opposer violemment et être sur une position défensive.

 

Pour autant, l’Ordre des médecins a réussit à s’imposer tant au monde salarié que libéral puisque, après tout, l’éthique se doit de rester universelle. Nous ferions bien de nous en inspirer et d’y réfléchir…

 

  • La campagne promotionnelle sous les abribus était-elle absurde ?


           Non.

 

L’Ordre - c’est le moins que l’on puisse dire - n’a jamais été un grand communiquant. Sa campagne publicitaire « Céline » était pathétique, ridicule et d’une niaiserie confondante, mais elle n’était pas « absurde ». L’une des missions premières de l’Ordre, inscrite au code de déontologie, c’est d’assurer la promotion de la kinésithérapie. Plus on parlera de nous dans les foyers français et les médias (là, en l’occurrence, en s’y gausse), plus le kinésithérapeute fera partie du paysage social, plus il assoira la demande en soins. Indirectement, l’opinion publique pèsera ainsi sur les décisions d’Etat, donc sur celles de l’UNCAM, dont l’objectif premier est de réduire notre influence et nos existences professionnelles à peau de chagrin.

Par ailleurs, rassurons-nous, le ridicule ne tue pas…

 

  • L’Ordre chasse-t-il sur les terres syndicales ?


           Oui. A l’évidence.

 

Indiscutablement, l’Ordre n’est pas centré en lui-même, tous les « ateliers » de la vie conventionnelle sont là pour le rappeler. L’exemple le plus récent et le plus criant de cette dichotomie fut son implication malheureuse en ce qu’il est convenu d’appeler l’élaboration des référentiels-kiné. S’il appartient effectivement à l’Ordre en tant que gardien des valeurs éthiques de se prononcer sur l’aspect déontologique du principe de la limitation administrative et autoritaire de nos actes (oui ou non, point-barre) son rôle s’arrêtait là. Qu’ensuite le dosage de ces référentiels soit plus ou moins administratifs ou plus ou moins autoritaires, c’est un chantier syndical.

 

Cette « confusion des genres » incessantes et très péjorative pour la profession est le pur produit de la double-mandature. Celle qui fait qu’aujourd’hui un conseillé ordinal est dans la plus part des cas un syndicaliste de souche. Et cela est d’autant plus vrai que l’on s’approche des sommets oligarchiques et décisionnels. Entre « patrons » de l’Ordre et « patrons » des centrales représentatives de la profession, il n’est pas tant de parler de téléphone rouge que de ronds de serviettes ou d’échange de brosse à dents. Nous arrivons donc à cette névrose intellectuelle que l’ossature ordinale est d’alliage purement syndical. C’est le mariage de l’eau et du feu et l’asphyxie du système…

 

  • La cotisation ordinale est-elle excessive :


            Oui. Indubitablement.

 

Trois niveaux administratifs, départementaux, régionaux, national, ne sont pas indispensables au bon fonctionnement de l’Ordre. Nous pensons qu’il n’est pas utile de « faire appel » des décisions constitutionnelles ou du « lobbying sénatorial » pour « sauver » la tête de ces structures, mais juste de comprendre le bien-fondé du conseil qui est délivré. C’est un conseil de bon-sens.

 

Par ailleurs, prendre pour le CNO lieu et place dans 700 mètres-carrés rue Réaumur (43 500 euros de loyer mensuel hors-charge par mois) n’était pas du meilleur goût.

Même si l’Ordre se doit d’être une « vitrine » de la profession, elle n’est tout de même pas ambassade diplomatique dans les pays de l’Est…

 

Il y a urgence, et rien ne s’y oppose, a rétablir une cotisation ordinale de bon-aloi (les infirmiers, pour information, sont à 75 euros…).

 

  • Il y a-t-il un avenir pour les structures « anti-Ordre » ?  


     Non et oui.

 

Non, aucun, si ce n’est qu’à s’étioler progressivement à mesure qu’elles continueront de s’opposer aveuglément et de réclamer à tue-tête la dissolution de l’Ordre. La marginalité les gagnera tôt ou tard. C’est une affaire de paire d’années.

 

Oui, assurément, si elles proposent de manière constructive son aménagement et que l’Ordre accepte enfin de les faire entrer dans son architecture. Mais pour cela, bien sûr, il faut du dialogue et remiser les gants de boxe au placard du vestiaire…

 

Alizé pour exemple, syndicat originellement « d’anti-Ordre ultras », voit naître en son sein une mouvance modérée et de plus en plus prépondérante. Des « mécontents », des « réformateurs » de l’Ordre, et non plus des jusqu’au-boutistes. Nous pensons que c’est la voie de la sagesse et de la pérennité.

 

Pour autant nous réclamons à ce que soient entendus les positionnements « anti-Ordre ». La pluralité des raisonnements est un enrichissement pour le système et source de méditation. De débat, en tous les cas.

 

  • Les structures « anti-Ordre » ont-elles servi à quelque chose ?


     Oui. Nous en sommes convaincus.

 

Sans elles, l’Ordre aurait joué « sur du velours ».

Il ne fallait espérer des syndicats « représentatifs » aucune forme d’autocensure puisque « ils » sont l’Ordre et que leurs cadres en sont les cadres. Tous les débordements étaient alors envisageables. Aujourd’hui, grâce à Alizé, ou à toutes autres structures de pensées moins « aliénées », un esprit de modération et d’introspection, ainsi qu’une information « grand-public », ont vu le jour. L’Ordre a un « contre-pouvoir ».

 

Pour autant, à l’excès des uns ne doit pas répondre celui des autres…

 

Beaucoup de bruit pour rien…

 

 

 

  • Quel avenir pour l’Ordre ?


L’Ordre avant tout est une structure administrative et non syndicale. Il n’a pas en soi de substance créative et revendicative, c’est un « inspecteur des travaux finis » et un épistolaire appliqué sans grande fantaisie. Le « mélange des genres » actuel, syndico-ordinal, s’étiolera avec le temps, chacun sachant, l’expérience gagnant, jouer pour sa propre équipe et selon ses inclinations naturelles. De même, l’ascenseur social ordinal montrera vite ses limites et finira par ne plus être à ce point attractif. Il n’attirera plus que les mouches du coche et les affriolés de la rosette. Etre « président de l’Ordre » n’est pas une sinécure, loin s’en faut. Tout le monde rejoindra donc son bocal en vertu de ses affinités électives et de ses appétences imaginatives ou non.

 

Il restera bien sûr des « ponts » très actifs entre Ordre et syndicats. C’est dans l’Ordre des choses entre gens de pouvoir. Il se peut même que cela soit souhaitable. Pourquoi imaginer à priori que les gens du « sérail » sont incultes ou malfaisants et qu’ils travaillent à nuire à la kiné ?


Les mouvements « anti-Ordre » rentreront « dans l’Ordre », au sens propre comme au sens figuré. Le consensus faisant place, de part et d’autres, aux excès divers. Personne ne peut durablement construire sur une faille sismique.

 

Il n’y aura pas de « dissolution » de l’Ordre, seulement quelques aménagements salutaires. Il faut cesser d’être « populiste ».

 

L’Ordre ne se présentera pas devant l’urne démocratique pour une éventuelle restructuration, car il en a peur. De plus il sait, et il a raison de le savoir, qu’autant en emporte le vent...

 

Le vent, et nous parlons du nôtre, kinésithérapeutes, est pourtant de bien mauvaise haleine par les temps qui courrent…

 

 

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