Sécu - Trou be or not trou be ? Chapitre 1 (lire la suite)

Chapitre 1

 

Bref historique de la Sécu

 

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« Pour savoir où l’on va, il faut savoir d’où l’on vient »

 

Comme en toutes choses l’homo sapiens modernus se pense au centre du Monde et à la genèse de tous concepts. Avant lui, les barbares. Après lui, le déluge…

 

Pour autant, la Sécurité sociale puise ses origines dans le Moyen-Age, à l’époque où l’on s’étripait gaiement à la hache.

 

Du balbutiement à la solidarité

 

Dès ce Moyen Âge, certaines corporations organisent une assistance, limitée, entre les professionnels qui y adhèrent. L'abolition des corporations par le décret d'Allarde, en 1791, met fin à ce premier dispositif d'entraide, professionnel et privé. Il est néanmoins remplacé par des « sociétés de secours mutuel » qui seront reconnues et strictement règlementées par une loi Humann du 22 juin 1835. Elles seront par la suite libérées du contrôle de l'administration et encouragées par la loi du 1er avril 1998 (qui n’était pas un poisson) également appelée « Chartre de la mutualité ». Cette loi fonde les principes du mutualisme, tels qu'on les retrouve aujourd'hui dans le code de la mutualité. Les mutuelles peuvent dès lors proposer des prestations à tous, bien qu’elles restent trop coûteuses (ce qui n’a guère changé) pour les populations.

 

De son côté, Napoléon III a souhaité instaurer, dans les années 1850, une mutualité impériale, sous le contrôle de l’administration.

 

En marge du mouvement mutuel, privé, volontaire et libre, le législateur crée également des dispositifs d'aide sociale, subjectifs et personnels, qui tendent à créer un principe de solidarité nationale. La loi du 15 juillet 1893 (art. 3) institue une assistance médicale gratuite pour tout français malade et privé de ressources (il reçoit gratuitement de la commune, du département et de l'État l'assistance médicale à domicile, ou, s'il y a impossibilité de le soigner utilement à domicile, dans un établissement hospitalier.

 

La loi du 9 avril 1998 facilitera considérablement l'indemnisation des victimes d'un accident du travail. La loi du 27 juin 1904 crée le service départemental d’aide sociale  à l'enfance, tandis que la loi du 14 juillet 1905 crée un dispositif d'assistance aux personnes âgées infirmes et incurables.

 

En marge de ces deux mouvements, d'autres initiatives privées se mettent en place, comme la création en janvier 1918 d'une « caisse de compensation » par Émile Marcesche, embryon des futures caisses d'allocations familiales. Elles seront mises en place plus tard, par la loi du 11 mars 1932 qui prévoit des allocations couvrant les charges familiales, financées par des versements patronaux.

 

Le développement des assurances au début du XXe siècle est encouragé par le législateur. Organisations de droit privé comme les mutuelles, les assurances s'en distinguent cependant par leur but lucratif. La loi du 9 avril 1898 encourage l'employeur à s'assurer pour faire face aux demandes d'indemnisations de ses salariés accidentés. Un premier système d'assurance vieillesse devient obligatoire pour les salariés par la loi du 5 avril 1910, mais le montant des retraites demeure très bas et l'âge de la retraite, 65 ans, est très élevé par rapport à l'espérance de vie des ouvriers de cette époque.

 

Par les lois du 5 avril 1928 et du 30 avril 1930, les salariés bénéficient d'une assurance maladie, maternité, invalidité, vieillesse et décès, adaptée par la loi du 30 avril 1928 aux agriculteurs. On parle même de rendre l'assurance obligatoire, et de donner à l'État le monopole de cette assurance.

 

Vers une sécurité sociale moderne

 

En empruntant au lyrisme épistolaire de Johnny Hallyday, nous noterons combien les guerres sont souvent l’occasion de se rappeler que « les coups, ça fait mal ». L’Homme, sans doute un brin fatigué de l’autolyse collective, de pleurer ses proches, semble à chaque fois (mais pour un temps, hélas, toujours compté) comprendre de re-chef l’intérêt pour le mieux-vivre de tous de la « solidarité ».

 

La fin de l’Apocalypse 39-45 n’échappera pas à la règle, et fut, pour la sécurité sociale, un tournant décisif vers le modernisme.

 

La Seconde Guerre mondiale a fait prendre conscience de l'importance d'une solidarité nationale. Pendant la guerre, à l'initiative du général de Gaulle, le Conseil National de la Résistance intègre à son programme « un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’État ». Au Royaume-Uni, le premier rapport Beveridge jette les grands principes de l’unification de la sécurité sociale. Ce plan est mis en œuvre par les ordonnances du4 et 19 octobre 1945 : il généralise et uniformise les prestations, sans toutefois remettre en cause les structures.

 

La sécurité sociale moderne est organisée selon un mode « bismarckien » paritaire :

 

  • elle est financée par les cotisations des employeurs et des salariés.
  • Elle est gérée par l’ensemble des partenaires sociaux (syndicat et patronat).

 

Rapidement après, la Constitution de la IVe République, adoptée par référendum, crée dans son préambule une obligation constitutionnelle d'assistance financière de la collectivité envers les citoyens, et notamment les personnes exposées aux risques sociaux les plus importants (femmes, enfants, vieux travailleurs).

 

Néanmoins, l'unification de la sécurité sociale est limitée. Le programme du CNR avait pour ambition de créer un unique régime de sécurité sociale. Cependant, les salariés déjà couverts étaient attachés à leurs régimes particuliers (mineurs, marins, fonctionnaires, agriculteurs, artisans, commerçants, cadres). Finalement, la loi du 22 mai 1946 limite le « régime général » aux salariés de l’industrie et du commerce.

 

1960
La rupture d’un mythe social

 

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Les beaux jours de la Sécu et de sa formidable impulsion en progrès social ont très rapidement trouvé leurs limites d’eux-mêmes. Une limite que d'aucuns, dans ce primo-élan de générosité, n’avaient pu anticiper : l’argent.

 

Et c’est ainsi, dans la seconde moitié du XXe Siècle, que l’on découvre brutalement que la misère humaine a un coût - et donc une limite à pouvoir l’éponger - car ce coût ne peut être couvert que par la richesse nationale (PNB) et par la capacité de ses travailleurs à savoir la produire. Et, à l’horreur de l’indifférence séculaire de l’Homme pour l’Homme, a fait place insidieusement un nouveau concept, un concept « moderne » : l’indifférence de l’Argent pour l’Homme.

 

Une nouvelle Ere, pour la pourtant si juvénile sécurité sociale, vient de naître ; celle de la « real-santé » et de son cahier des charges comptable. Celle de la spéculation financière sur la morbidité, où il faut accepter de voir sa population renoncer (en partie) aux progrès galopants de la médecine - et donc au prolongement de son confort et de son espérance de vie - en échange de « l’équilibre budgétaire ».

 

C’est un tournant psychologique majeur dans l’esprit de nos dirigeants : le stylo signataire n’est plus celui, gratifiant, du progrès social à tout-va, mais celui bien plus âcre de la politique des moindres dégâts collatéraux. De chaque nouvelle « loi sur la sécurité sociale » - et par nécessité économique - il ne convient plus, sans garde-fous, de sauver banalement des vies ou d’améliorer le confort médical de sa population, mais d’en accepter les « coupes sombres » - et donc, les victimes, tant chez les malades que chez leurs thérapeutes, des « exclus » du progrès technologique - pour pérenniser le système.

 

On n’est plus en marche vers le progrès social, mais en lutte contre son effondrement.


« La » question n’est plus : « Que doit-on dépenser pour le bonheur de notre communauté ? » mais : « Qui devra mourir ou vivre dans la sous-France pour que tous n’y basculent pas ? ».

 

Limiter à un frottis tous les deux ans la prévention du cancer de l’utérus chez la femme de plus de cinquante ans, c’est, on le sait, les chiffres sont sur le bureau du Ministère de la Santé, condamner plusieurs centaines d’entres-elles à une mort certaine dans l’année. Mais, ne pas le faire, c’est  peut-être ne plus pouvoir poursuivre de doter raisonnablement en finances les chirurgies cardiaques ou les services de pédiatrie…

 

C’est un choix cornélien (et sans doute douloureux) en lequel ni philosophe, ni sociologue - ni aucun humaniste pour ainsi dire - ne peut plus prendre place.

 

C’est ainsi que, peu à peu et conséquemment, prennent résidence au sommet des oligarchies soignantes non plus des idéologues du progrès social, mais des doctrinaires de la finance, au cœur en boulier de pierre. Des technocrates, non pas qu’ils soient pires ou meilleurs que d’autres hommes, mais qui depuis fort longtemps ont perdu lien avec la notion de « service public » ou, pour être plus exact, de « service au public » tant l’État, volontairement, les a sectorisés dans leurs obligations de résultats financiers.

 

En marche, donc, vers le déremboursement progressif :


  • Dans les années 1960, les remboursements dentaires et optiques ont été fortement réduits.
  • Le remboursement des soins courants est passé progressivement de 80 % à 65 % (augmentation du ticket modérateur).
  • Un forfait hospitalier a été mis en place et régulièrement augmenté jusqu'à atteindre près de 20 euros.
  • Des médicaments de « confort » ont vu leur taux de remboursement réduit ou supprimé.
  • Une participation forfaitaire (laissée à la charge de certains assurés) a été mise en place pour chaque visite chez le médecin et pour chaque acte médical de radiologie ou de biologie.
  • Une franchise a été instituée sur le remboursement de chaque boîte de médicaments, d'un acte paramédical ou d'un transport sanitaire.


Dans le secteur privé, les retraites sont calculées sur les 25 meilleures années (précédemment sur les 10 meilleures), demandent à ce jour 160 trimestres de cotisation (précédemment 150), et sont désormais revalorisées d'après l'indice des prix.

 

Malgré ces déremboursements réguliers qui donnent une impression générale de faible couverture des coûts, la sécurité sociale rembourse encore en 2007, 76,6 % du total des dépenses de santé contre seulement 7,9 % pour les mutuelles. Ces proportions n'ont d’ailleurs que peu évoluées ces 12 dernières années.

 

Parallèlement, les prélèvements financiers de la Sécurité sociale ont connu depuis 1978 une forte croissance, passant de 16 % du PIB (Produit Intérieur Brut) en 1978 à plus de 22 % en 2006.

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