L'année 2009 au scanner (lire la suite)

Quelles raisons de rester vigilants ?

 

pingouins 
Le début de la faim
  

Selon les premiers chiffres, non-totalement définitifs il est vrai, la profession connaîtrait donc cette année - pour la première fois en 60 années d’existence - une baisse de - 2 à - 3% des dépenses de santé-kiné, donc de son activité, par rapport à l’année 2008, et ceci en dépit de l’inflation des prix et des services, de l’impôt, de « l’absorption » de plus ou moins 1 500 nouveaux primo-diplômés, de l’immigration des collègues étrangers et, n’y revenons pas, de onze années de stagnation de sa lettre-clé. 

 

Le départ à la retraite des « papy-boumers » n’est pas encore suffisamment significatif pour équilibrer le flux toujours exponentiel des praticiens dans l’hexagone.

 

Donc, toujours plus de souris pour toujours moins de fromage…

 

D’une manière sectorielle, certains d’entre-nous jouent d’une malchance particulière et « encaissent » tant bien que mal, et sans autre raison répertoriée que la Politique d’Etat, une chute de 10 à 20% de leur activité depuis janvier 2009. D’autres sont toujours florissants, donc indifférents au marasme collectif, pour le moment.

 

Or - et c’est bien cela qui est alarmant - les « référentiels » ne sont pas encore véritablement opérationnels. Pourtant les études convergent ; lorsqu’ils le seront (c’est à dire probablement courant 2010) un effondrement de près de 30% de l’activité en masso-kinésithérapie sur l’ensemble du territoire est à craindre.

 

Ca va donc commencer à être du lourd de chez lourd et à tailler dans le vif…

 

Toujours plus de « destinées individuelles » au détriment du collectif

 

Une carrière ne s’analyse pas sur une ou deux années, mais sur 42.5.

Ceux d’entre-nous qui « s’en sortent » aujourd’hui encore honorablement sont en décalage complet avec la réalité des situations et l’avenir UNCAMien qui les attend au coin du bois, massue en pogne.

 

Soit, ils sont encore « simples » kinés mais bénéficient d’une conjoncture locale toujours favorable (qui ne perdurera sans doute pas) soit, ils ne sont plus en lien avec les basiques de la masso-kinésithérapie (hors-nomenclature, ostéopathie, esthétique). En ce cas, c’est d’une part ne pas reconnaître que l’on n’est plus fondamentalement kinésithérapeute (puisque la kinésithérapie conventionnelle n’est plus la base de ses revenus) mais esthéticienne, ostéopathe ou que l’on a atteint un niveau de formation post-graduée sans commune mesure avec le métier originel, mais également ne pas entrevoir que même ces secteurs de relative liberté seront bientôt pris d’assaut par une cohorte d’affamés balancés du fourgon conventionnel. La part aux lions s’en trouvera donc inéluctablement réduite à peau de chagrin.

 

Le Radeau de la Méduse du « hors-Sécu » ça n’est pas l’arche de Noé, elle n’accueillera pas toutes les espèces…

 

Aussi, avant que de se lancer dans l’aventure individuelle (et individualiste) du « hors-nomenclature » et de quitter le navire conventionnel et ses petits camarades galériens, il convient de bien peser ses cacahouètes et de raisonner de manière pragmatique sur les chances de s’en sortir tout seul à la nage. A moins de 50% aujourd’hui du chiffre d’affaire hors-prescription, nous crions « au suicidaire ! » car nous pensons que le taux de survie sur le long-terme est plus qu’hypothétique. Croyez-en un vieux kiné/ostéopathe sympa…

 

Mais le problème majeur de cette situation, ce miroir aux alouettes des prairies où l’herbe serait plus verte, c’est que cela nourrit le fantasme irrationnel (on s’en sortira toujours !) et donc l’indifférence individuelle à la cause commune. Cela développe également le sentiment du « chacun pour soi et D.E. pour tous », et dilapide les énergies de protestation et de résistance face au rouleau-compresseur d’Etat, plutôt que de savoir les focaliser.

 

Cette attitude de fuite des cerveaux et du sauve-qui-peut général nuit foncièrement à la solidarité corporative et appauvrit la profession. Or, l’on n’existe pas sans esprit corporatif.

 

Pour autant, êtes-vous si sûr de ne pas faire partie, tôt ou tard, de la prochaine petite charrette pour l’échafaud ?…

 

Des vessies prises pour des lanternes

 

Les leurres conventionnels jouent à plein leur rôle de poudre aux yeux et mystifient les esprits. D’où la léthargie revendicative ambiante.

 

Etonnamment, la « NGAP 2 000 » à été vécue par l’ensemble de la profession comme une sorte de « réévaluation » indirecte de nos honoraires. Peu d’entre-nous ont analysé, syndicats y compris (ce qui est plus regrettable) qu’en fait, loin d’être un progrès pécuniaire, il s’agit en réalité d’un recul sans précédent de notre taux/horaire. Certes, de prime-abord et en primo-lecture grossière, certains coefficients s’en trouvent majorés (7.5 au lieu de 7 ou 9.5 au lieu de 9) mais pour des observateurs plus attentifs il apparaît clairement que cela n’est qu’un rideau de fumée. La « NGAP 2 000 » nous contraint (si l’on respecte l’esprit de la Convention, or nous y sommes tenus) à un tiers de présence supplémentaire auprès de nos patients. De trois patients/heure selon l’autorisation de la précédente NGAP, nous passons à deux… pour seulement deux euros vingt de plus ! Cela fait donc, en relativité horaire, que nous sommes payés de nos efforts supplémentaires à 2,20 euros les vingt minutes, soit, rapportés à l’heure : 6.60 euros avant charges. Donc (à considérer ces charges à 50% en moyenne nationale) : 3.30 euros nets.

 

3.30 euros nets de l’heure, ça vous cause, les enfants ?…

Réévaluation de nos honoraires avez-vous dit ?…

 

Bien sûr, et c’est cela qui nous sauve, peu d’entre-nous respectent la NGAP ni n’ont changé leurs habitudes sans jamais devoir rendre de compte à personne. Mais si un jour cela se devait ?…

 

La grosse farce des BDK (bilans).

Evidemment c’est une aubaine. Rares les pratiquent avec conscience, nombreux les encaissent avec constance. 8.10 ou 10.10 - coupons la poire en deux à 9.10 soit 20.30 euros - au mieux c’est un gribouillis dans un coin de l’ordinateur, au pire, rien. Là encore j’entends de-ci de-là qu’il s’agirait d’une « réévaluation » indirecte de nos honoraires ?…

 

Le BDK, à condition qu’il respecte l’esprit de la NGAP est un acte par nature foncièrement individuel, réclamant pour être bien mené (analyse, transcription) ¾ d’heure de notre temps. Cela fait donc, rapporté à l’heure, 27 euros avant charges, soit 13.5 euros TTC.

 

13.5 euros TTC de l’heure…

Réévaluation de nos honoraires, dites-vous encore ?…

 

Bis repetita : bien sûr, et c’est cela qui nous sauve, peu d’entre-nous respectent la NGAP ni n’ont changé leurs…

 

Oui, mais justement, si un jour cela se devait ? Si les caisses venaient à vérifier scrupuleusement le respect des temps individuels consacrés aux patients ou à réclamer nos arriérés de bilan sur trois ans ? Pour peu qu’on soit sincère, j’en connais plus d’un d’entre-nous qui seraient bien empêtrés…

 

On comprend bien que l’on ne peut pas indéfiniment jouer border-ligne ou s’infiltrer au travers des permissivités passagères de la Convention sans que le réalisme financier de l’UNCAM, tôt ou tard, nous rattrape. Il suffit d’un décret, d’un contrôle, ou d’un revirement de mentalité des caisses… ou de l’application ad oc des référentiels.

 

Réfléchissez à cela. N’hypothéquez pas l’avenir professionnel sur une vision amblyope, une « débrouille » individuelle à la petite-semaine. La NGAP et ses limites tangibles doivent être notre unique mode de raisonnement. Non pas la manière de savoir la détourner.

 

Le vrac 2009

 

Une cotisation ordinale qui ne baisse pas, malgré le dégoût populaire que cela soulève.

Mais, de ce côté-là, je crois bien qu’il n’y a plus rien à espérer de nos prélats déontologues. On ne passe pas d’un palais de 700 mètres-carrés Rue Réaumur, à 43 500 euros de loyer mensuel , à un deux-pièces/cuisine en banlieue…

 

Des esthéti-chiennes qui n’aboient même plus au passage de la caravane ordinale. Elles ne « massent » plus, certes, mais elles « modèlent ». Sans doute moins pointilleuses sur la linguistique que notre bon Roy Renié, il n’est pas certain que leur activité quotidienne en fera l’immédiat distinguo ni n’apprécie à sa juste valeur toute la finesse du haut-verbe Réaumurien. Nous,  non plus, d’ailleurs…

 

Des ostéopathes qui se gaussent du bon tour fait aux gueux rééducateurs, et qui prennent, enfin déchargés de leur enclume paramédicale, leur envol vers le firmament.

 

Une UNCAM plus que jamais goguenarde et maîtresse en notre royaume, qui passera en force ses premiers référentiels (donc le retour déguisé de la DEP et des quotas) et bientôt, n’en doutons pas, la fin de la libre-installation du kinésithérapeute sur le territoire français. Et tout cela, et c’est bien en quoi Vent de Requiem est balaise et sonnera bientôt notre oraison funèbre, sans délier bourse ni nous augmenter d’un fifrelin…

 

Quelles raisons d’être optimiste ?

 

 

pingouins 2Il est à noter, en cette toute fin d’année, une variation microscopique mais substantielle dans les mentalités de nos dignitaires représentatifs. Cela, bien sûr, est encore trop récent et fragile pour que l’on puisse véritablement parler de réforme des consciences, ni savoir dire si ça perdurera ou non, mais au moins cela a le mérite d’exister, ce qui n’était plus le cas depuis 15 ans.

 

2010 confirmera ou infirmera…

 

Le réveil de la belle aux syndicats dormants

 

Le 46ème congrès de la FFMKR à Angers fin octobre a été, n’en disconvenons pas, d’une clairvoyance exemplaire. Les thèmes de fond de la kinésithérapie et les raisons de son appauvrissement progressif (tant professionnel que socio-économique) y ont été débattus avec intelligence et des solutions plutôt courageuses et frondeuses envers l’Etat y ont été proposées. Le problème avec la Fédé, c’est que de longue date elle nous a habitué à un discours peu en lien avec sa réalité de terrain. Face à l’UNCAM, et donc face à l’Etat, la montagne protestataire accouche bien souvent d’une souris docile et hautement subordonnée.

 

Pour autant, cette fois-ci, elle a bel et bien claqué la porte de l’UNCAM.

Egalement, un « coup de gueule » sans précédent de son directoire - et la profession momentanément épargnée peut vivement l’en remercier - a stoppé-net le train ô combien délétère des putrides référentiels.

 

A suivre donc…

 

De son côté UNION (SNMKR/OK) bien qu’en grand péril de « pilote dans l’avion », semble emboîter le pas à la Fédé. A son tour elle a quitté la table des fourbes « négociations ». D’un naturel plus combatif que la FFMKR, mais hélas toujours à la singer, sa présence en « contre-pouvoir » est pourtant fondamentale à la vie conventionnelle. Souhaitons-lui, et souhaitons surtout au SNMKR, de savoir surmonter ses querelles internes et retrouver une cohésion d’ensemble.

 

Par ailleurs, UNION semble trouver enfin son rythme de croisière et une véritable consistance d’intersyndicale, et n’être plus la carcasse vide en copier-coller du SNMKR que nous lui connaissions.

 

Alizé, par une présidence devenue cette année « libérale », plus que jamais s’infiltre et infiltre son esprit indocile dans un quarteron syndical jusqu’alors consensuel et compassé. Hélas, trop peu encore de cotisants « de ville » pour pouvoir  prétendre à véritablement peser sur les décisions conventionnelles. Pour autant, son « poids » n’en devient pas moins incontestable de jour en jour et ses pensées frondeuses ont indiscutablement re-dynamisée l’esprit contestataire en berne des centrales « historiques ». Dès qu’Alizé aura franchi (s’il y parvient ?) ce lourd handicap de la représentativité cotisante au sein du monde libéral, gageons que ce sera un atout majeur et très entreprenant pour la défense de la profession.

 

Cependant, rappelons pour info que l’accès au stylo « signataire » c’est 2 000 adhérents libéraux. Que, selon la Convention, deux syndicats seulement sont habilités à représenter la profession.

 

Les deux poids-lourd que sont la FFMKR et le SNMKR possèdent approximativement et respectivement près de 3 000 adhérents et un peu plus de 2 500. Alizé approche difficilement les 500 (libéraux). Donc, prévoir un délai…

 

Le dégel de l’Ordre

 

L’Ordre, enfin, semble se dé-rigidifier et affiche les premiers soubresauts d’une démocratisation qui, jusqu’alors, ne fut pas sa plus distinctive marque de fabrique. En effet, en lançant une grande enquête en ligne auprès du professionnel sur le thème : « Masseurs-kinésithérapeutes : quelle image et quels messages pour la communication de notre profession ? » il démontre pour la première fois de sa carrière un souci de participatif et d’interaction avec le métier. Le kinésithérapeute devient enfin autre chose qu’un cotisant sonnant et trébuchant.

 

Les esprits taquins diront, il est vrai, que son premier cavalier-seul avec la campagne publicitaire « Céline » sous les abribus et sa gaufre mémorable et rocambolesque auprès de la profession et des médias ne sont pas entièrement étrangers à ce revirement de mentalité…

 

Pour autant, il convient de recevoir avec un bel enthousiasme, mais une grande circonspection, ce premier signe timide « d’ouverture » de l’Ordre, en tant que gage d’un dialogue enfin trouvé avec le métier ?

 

Retour à l’équilibre ?

bilan

 

En conclusion, si l’année 2009 a commencé - à l’image de ce que fut 2008 - d’une manière désastreuse et fort inquiétante pour le métier, son dernier trimestre témoigne des signes très encourageants d’une « reprise en main » de la vie conventionnelle par nos syndicats. Cela pour autant, nous le répétons, reste hautement fragile.

 

Pour l’heure, évidemment, nous sommes encore loin du courage et de la puissance de feu des centrales de médecins et de leur capacité à mobiliser le professionnel et les médias.

 

Mais nous revenons également de très très loin…

 

Pour autant, ne nous le cachons pas, des brisants particulièrement acérés attendent nos centrales signataires cette année (référentiels, libre-installation, revalorisation, DEP) et la mer UNCAMienne promet d’être particulièrement houleuse. Les galériens n’en ont pas fini de ramer…

 

Souhaitons donc à notre frêle flottille protestataire courage et ténacité, rangeons la profession à ses côtés, et faisons bloc face à l’adversité d’Etat. Alors, peut-être que l’avenir de la kinésithérapie ne sera plus si noir qu’on a pu, à raison, le craindre ses dernières années et particulièrement au début de celle qui vient de s’achever. Croisons les doigts ?…

 

Bonne année à toutes et à tous, et rendez-vous au bilan 2010 !

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